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D'après la légende, Saint Odilon, abbé de Cluny, se trouvant en Sicile
près du volcan Etna, entendit les cris et hurlements des démons qui
rageaient parce que les âmes des morts leur étaient enlevées par les
prières des vivants.
Il demanda et obtint en 998 que le 2 novembre on priât pour les morts
dans
tous les monastères bénédictins.
Plus tard, en 1014, l'Église généralisa la fête.
À notre époque, le jour des Morts consiste en prières dites en commun à
l'
église, en rituélies particulières aux offices et surtout en nettoyage
des
cimetières et offrandes de fleurs aux défunts. Dans certaines régions,
l'
habitude du repas funéraire a été conservé.
Nous verrons que ces rites remontent à la plus haute Antiquité. En
effet,
depuis l'aube des temps, l'homme est resté intrigué, sinon inquiet, par
ce
phénomène de l'absence de vie apparente que sont le sommeil, la syncope,
la mort. Il les a rapproché jusqu'à conclure que le sommeil était
l'image de la mort. Il en a déduit, avec une certaine logique, que si
l'on se réveillait du sommeil, on devait se réveiller de la mort.De
quelle façon ? C'est l'affaire des mythes et du clergé de donner une
explication. Poursuivant sa logique, l'homme a pensé qu'il était
nécessaire de s'occuper des morts en attendant leur réveil, d'où les
rites funéraires de l'Antiquité qui ont survécu jusqu'à notre époque
dans les coutumes du jour des Morts, et des troncs, messes et cierges
offerts pour les âmes du purgatoire.
Les fêtes des morts, si elles se pratiquent à des moments différents de
l'
année, suivant le temps et le lieu, présentent une identité de rites
qu'on
ne peut nier.
En France, la coutume de fêter les morts le 2 novembre s'établit
peu à peu
dans l'Église à compter du Xe siècle. Jusqu'à cette époque, on célébrait
la fête Samain, une ancienne fête celtique du Nouvel An, le 1er
novembre. La célébration de l'Église a été instaurée le 2 pour
supplanter la fête
«païenne» du 1er.
Il était de coutume, au début de l'ère chrétienne, d'allumer, le jour
des
Morts, des cierges sur les tombes. Le concile d'Elvire (400 ap. J.-C.)
interdit cette habitude qui pouvait inquiéter les esprits des saints..
Dans le Finistère, face à l'emplacement de l'antique et
légendaire ville d'Ys, se trouve la baie des trépassés. Elle porte ce
nom, soit parce que c'est là que les druides embarquaient leurs morts
pour les inhumer dans l'île de Sein, soit parce que les courants marins
y ramenaient les corps des marins noyés.
On croyait, il y a encore peu de temps, que pendant la nuit du 1er au 2
novembre, tous les marins morts en mer qui avaient habité la Bretagne se
rassemblaient sur les vagues à la recherche de l'âme d'un être cher.
La croyance au retour des morts cette nuit du 1er au 2 novembre était
générale en Europe. On leur servait un repas pour les alimenter.
Parfois, on laissait brûler le feu dans l'âtre pour qu'ils viennent se
réchauffer.
Dans d'autres régions de Bretagne, après une procession qui succédaient
aux vêpres, chacun rentrait chez lui et préparait la table pour un
repas. Une bûche conservait le feu toute la nuit (bûche des morts).
Dehors, le
«chanteur des morts» parcourait le village en psalmodiant des couplets
mélancoliques. Les trépassés étaient censés se restaurer à la table qui
était dressée.
En Aunis et Saintonge, on allumait une bougie de la Chandeleur
devant le
crucifix familial à l'heure où le dernier membre de la famille était
décédé.
Le culte des morts n'est pas seulement le fait des «primitifs». L'Église
chrétienne a la même habitude. Pour dire la messe, il faut que «la
pierre d'autel» contienne la relique d'un saint. C'est sur cette
relique, en général un morceau d'ossements, que le prêtre célèbre son
rite.
D'autre part, les évêques, archevêques, cardinaux, sont inhumés en
l'absence des profanes, derrière ou sous le maître-autel des
cathédrales. Le chapeau cardinalice, qu'on suspend au-dessus de l'autel
jusqu'à ce qu'il se désagrège, est aussi un rite funéraire. Plus
simplement, nous l'avons déjà vu, la messe des morts, celle qu'on dit
pour le repos des défunts, le culte des âmes du purgatoire, sont aussi
des rites funéraires.
Dans la Rome antique, pour les fêtes des morts, on faisait la
conclamation
qui consistait à appeler les morts par leur nom. Ce rite est passé au
christianisme avec les litanies des saints.
FÊTE HAKER
À cette occasion, en Égypte, les morts étaient décomptés dans
l'au-delà pour séparer les bons des mauvais. C'était aussi le jour delà
confession des péchés (Livre des Morts, Barguet, ch. 18-19-145).
FÊTE OUAG
Les Égyptiens célébraient cette fête le 17e jour du premier mois
à Abydos,
ce qui correspond aux premiers jours de la crue du Nil. Cette montée des
eaux associée à une idée de résurrection du fleuve, se confondait avec
l'
identification des défunts à Osiris ressuscité (Livre des Morts ; op.
cit., ch. 167-207-250).
Les prêtres d'Anubis, d'Oupouat, et les prêtres du Double, présidaient
aux
cérémonies. Des chandelles ayant servi dans le temple étaient rallumées
et l'on faisait des offrandes de pain aux morts. On récitait des
glorifications.
À l'entrée des tombes, on renouvelait les rites d'ouverture de la
bouche,
des yeux, du nez et des oreilles, sur des statues ou des images
représentant le défunt.
À cette occasion, on fêtait aussi en secret les Mystères d'Osiris où
l'on
jouait la mort et la résurrection du dieu. Peut-être ce rite est-il à l'
origine des Mystères du Moyen Âge chrétien ?
En Inde centrale, on célébrait en septembre, la quinzaine des
âmes. On
croyait, qu'à cette époque, les défunts venaient rendre visite à leur
famille. Pour les accueillir dignement, on procédait à un nettoyage
complet de la maison. On fabriquait des gâteaux pour nourrir les esprits
au cours d'un repas servi spécialement à leur intention. Ce qui n'était
pas consommé par les esprits était mangé par la famille.
Pendant cette période, les femmes ne portaient pas de nouveaux bijoux et
les hommes ne se rasaient pas.
Au Nord de l'Inde, la tribu des Lakhers célèbre en octobre une
fête des
morts pour demander aux ancêtres une bonne récolte et des troupeaux
féconds.
Par des sacrifices, on demandait que les esprits du maïs et du riz
soient
propices et ne quittent pas le village.
Au Vietnam, dans l'ancien Annam, on fêtait les défunts tous les
ans le jour de la fête des Âmes. Pendant le mois où tombe cette
cérémonie, on ne se mariait pas.
Ce jour-là, le dieu des enfers libérait les âmes des morts pour qu'elles
viennent près des vivants. Elles étaient alors très dangereuses, surtout
pour les enfants. Pour les apaiser, on plaçait dans la rue des offrandes
et des bougies allumées devant chaque maison. On y joignait des
vêtements et des meubles symboliques en papier ou en carton. Le soir, on
faisait brûler le tout pour l'envoyer aux esprits.
Dans d'autres régions du Vietnam, le rite était différent. On consacrait
les trois premiers jours de la nouvelle année au culte des ancêtres. On
faisait un repas pour les vivants et les morts. La maison était
soigneusement nettoyée.
On dressait ensuite un bambou devant chaque maison, avec en haut un
panier
contenant de l'arec, du bétel et des feuilles de papier doré. Ce mât
servait à guider les esprits vers leur demeure. L'autel des ancêtres
était illuminé, décoré de fleurs et garni de fruits divers.
Le maître de maison appelait les défunts de la famille et leur servait à
table un repas composé de riz, de thé et d'alcool. Quand on estimait que
les âmes étaient restaurées, la famille mangeait ce que les esprits
avaient laissé.
Au Cambodge, c'est en octobre que l'on honorait les morts. Dans
chaque
maison, on installait des offrandes à leur intention. On leur adressait
une prière trois fois répétée pour leur demander santé et prospérité.
Quelques jours plus tard, on fabriquait de petits bateaux en écorce dans
lesquels on plaçait des offrandes et une bougie allumée, et on les
laissait aller sur la rivière au fil de l'eau. Ils étaient censés
reconduire les esprits à leur demeure.
En Afrique occidentale, vers le début avril, on a coutume de
servir un repas aux âmes des ancêtres. On invite en même temps les amis
pour partager les réjouissances.
En Côte d'Ivoire, c'est au mois d'août que certaines tribus
apportent de la nourriture sur la tombe de leurs morts. La fête, qui
dure huit jours, se passe au moment de la récolte des ignames. Il semble
que ce soit une
offrande des prémices aux esprits.
Au Paraguay, quelques tribus considéraient la constellation des
Pléiades
comme la manifestation de leurs ancêtres. Les étoiles disparaissant
pendant plusieurs mois à la vue des habitants de ce pays, ils pensaient
que leurs défunts étaient malades. Quand elles réapparaissaient au mois
de mai, ils étaient convaincus que les esprits avaient retrouvé la
santé. On célébrait cet heureux événement par une fête qui durait une
nuit entière..
Les Mixtèques, qui occupaient une partie du Mexique avant la
conquête
espagnole, fêtaient leurs morts à la fin de l'année qui correspond à
notre
mois de novembre. On décorait les maisons pour recevoir les esprits. On
préparait et on servait un repas à leur intention. Une torche à la main,
la famille allait chercher les âmes jusqu'au cimetière, ou autour de la
maison, pour les inviter au repas.
De retour au logis, tout le monde se mettait à genoux autour de la table
et, sans regarder pour ne pas déranger les «invités», on priait les âmes
d'intercéder auprès des dieux pour obtenir leur bénédiction sur la
famille. Au lever du soleil, on distribuait aux pauvres ce qui n'avait
pas été consommé par les morts.
Une tribu californienne célébrait ses morts au mois d'août. Comme
on pensait qu'ils avaient les mêmes besoins que les vivants, on
rassemblait ce jour-là tout ce qui pouvait leur être utile : vivres,
vêtements, objets divers. Près des tombes, on disposait cela sur des
branches arrangées en demi-cercle au milieu duquel on avait allumé un
feu. Le soir, les parents s'asseyaient sur les tombes et pleuraient les
défunts de l'année. Ils effectuaient ensuite une danse autour du feu et
jetaient des offrandes dans les flammes en feignant un grand désespoir.
La fête cessait aux premières lueurs du jour.
Chez les Esquimaux, vers la fin novembre, on se souvenait des
ancêtres. Dans la maison d'assemblée, on plaçait une lumière jusqu'à la
fin de la fête à l'endroit où avait siégé le disparu. Ces lumières
devaient guider les esprits pour leur visite chez les vivants et leur
retour au royaume des morts. On ajoutait dans la maison d'assemblée des
aliments et des vêtements pour que les défunts puissent symboliquement
se nourrir et se vêtir.
Sur les tombes des hommes, on plaçait un harpon miniature, sur celles
des
femmes un plat pour leur rappeler la fête.
Dans la maison d'assemblée, quand on avait chanté les invitations aux
morts, on jetait un peu de nourriture dans la fosse à feu pour compléter
l'alimentation des âmes ; on y laissait tomber ensuite quelques gouttes
d'eau pour les désaltérer. On pensait que l'esprit des aliments
nourrissait l'esprit des morts. Toute la nourriture qui restait était
ensuite consommée par les assistants. Des danses et des chants suivaient
le repas.
En Bavière méridionale, les 1er et 2 novembre n'étaient qu'une
seule fête des morts. Le 31 octobre, on nettoyait les tombes qui étaient
recouvertes de poussière de charbon, décorées de fleurs de soucis et de
dessins réalisés avec des fruits rouges de sorbier. On remplissait un
vase d'eau bénite et on y mettait une branche de buis, l'arbre des
morts. On apportait ensuite sur les tombes un repas comportant des
gâteaux nommés «pains des âmes». Le plus souvent, on allumait sur les
sépulcres des lumières, surtout en Bohème.
Dans certaines régions d'Europe centrale et d'Allemagne, on allumait, le
jour des morts, des lampes alimentées par de l'huile, du beurre ou du
saindoux, pour que les âmes du purgatoire puissent soigner les brûlures
faites par les flammes de leur triste séjour.
(Pour d'autres fêtes des morts romaines, voir Lémuria, le 9 mai, et
Parentalias du 18 au 21 février)
M. Lapperuque, 1996, les Editions du Prieuré ( n' existent plus )
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